COLLECTIONNER LES €BILLETS
Ceux qui me connaissent quelque peu savent que non seulement je n'ai aucune
sympathie pour la monnaie appelée " euro ", mais que
je la combats par tous les moyens à ma disposition, devenant même
" l'anti-euro de service " pour les médias qui m'invitent.
Il n'empêche que l'euro fait désormais partie du paysage
numismatique au même titre que toutes les monnaies uniques ou communes
que l'Europe a connu depuis un siècle et qui, si elles ont disparu,
restent dans nos albums et dans nos plateaux.
L'intérêt manifesté par le public pour la variété
des pièces euro en circulation a d'autre part confirmé que
l'analyse faite entre autres par le Docteur Kolsky et moi-même (nous
avions suggéré à la Monnaie de Paris de créer
des pièces de 5 francs circulantes en autant de types qu'il y avait
de régions en France). Cette suggestion fut rejetée car
la France n'avait déjà plus, depuis le Traité de
Maestricht, la libre décision des pièces qu'elle frappe
(sauf pour les NCLTC, les commémoratives non-circulantes). Cette
série de 5 francs des régions (dix-huit pièces) aurait
provoqué, arnaques diverses en moins, le même intérêt
du public pour ce qui passait dans son porte-monnaie et un renouveau de
la numismatique. Une tombe de plus dans le cimetière des occasions
perdues
.
Malgré tout cela, je viens de terminer avec Jean-Claude Deroche
un livre, dans l'esprit du FRANC, consacré à l'euro tant
pour les monnaies circulantes que pour les commémoratives, les
sachets de pré-alimentation, les boîtes diverses, les variétés
et bien entendu les billets. Ce livre inclus une " Histoire de la
Numismatique " d'une vingtaine de pages où les pièces
d'illustration sont accompagnées non seulement de leur identification
sommaire mais aussi du prix auquel elles ont été vendues.
Le but avoué de cette partie est d'ouvrir les yeux à tous
ceux qui ont découvert la numismatique avec l'euro sur les vingt-sept
siècles qui précèdent
Concernant les €billets, il me faut admettre que si ces billets n'ont
ni âme ni beauté, surtout pour ceux qui considèrent
que le plus beau billet du monde est le 10.000 Bonaparte, ils sont absolument
passionnants et je me suis laissé prendre au jeu.
Jamais, dans l'histoire du billet, une émission n'a été
aussi complexe, aussi riche et variée et avec d'aussi nombreuses
déclinaisons de collection. C'est proprement stupéfiant.
Bien évidemment, aucune information - ou presque - n'est officiellement
disponible (certaines des informations officielles sont même fausses
ou tronquées) et nous avons dû trier plus de vingt mille
billets usagés pour reconstituer ce qui est actuellement en circulation.
La partie du livre consacrée aux billets dépasse trente
pages
Commençons par le plus simple, une collection limitée aux
types. Du 5 au 500, sept billets, facile quoique coûteux avec le
500.
Ensuite, on peut collectionner en incluant les pays. Il y a actuellement
onze (Le Luxembourg, lettre R, n'a pas de billets propres) pays qui ont
émis presque toutes les valeurs. On se trouve donc déjà
à la tête d'une collection de 71 billets, différents
par la faciale et le pays d'émission.
Ensuite, on peut introduire la variante des imprimeurs. Chaque billet
porte un code de la forme " lettre chiffre chiffre chiffre lettre
chiffre " où la première lettre indique l'imprimeur
du billet. Nous avons actuellement 14 imprimeurs ayant fabriqué
des billets, certaines valeurs faciales étant fabriquées
par plusieurs imprimeurs, ce qui nous met donc 82 billets différents
en collection. C'est le choix de numérotation que nous avons fait
dans €1, notre livre : il semble un minimum de considérer
comme différents des billets qui n'ont ni même faciale, ni
même pays, ni même imprimeur.
On peut pourtant aller plus loin car, toujours dans ce fameux code, les
trois chiffres suivants indiquent l'émission. Si de très
nombreuses faciales de petits pays n'ont qu'une seule émission,
d'autres en ont déjà jusqu'à dix-huit différentes.
Nous atteignons, pour qui veut tous les billets de tous les pays avec
tous les imprimeurs différents et toutes les émissions,
une collection de 224 billets ce qui est quand même très
impressionnant pour une numismatique âgée de moins d'un an.
Mais ce n'est pas tout.
On peut aller beaucoup plus loin.
La dernière lettre et le dernier chiffre du code indiquent la position
du billet dans la feuille. On peut donc reconstituer, pour une faciale,
un pays, un imprimeur et une émission donnée, toute la feuille
telle qu'elle a été imprimée
Il existe plusieurs formats de feuilles, selon les imprimeurs et selon
les faciales. Chercher à compléter les feuilles pour tout
ce que nous avons déjà vu nous amène à un
total de 10.551 billets. Terrifiant, non ?
Non, ce qui est vraiment terrifiant, c'est le futur : dès janvier,
des billets devraient apparaître au millésime 2003. Le Dr.
Duisenberg devrait laisser son poste et le signataire des billets devrait
donc changer : si cela se passe en cours d'année, certaines émissions
de 2003 auront une signature, d'autres la suivante.
Dès 2004, la Commission Européenne nous promet dix pays
de plus dans la Communauté : seront-ils dans la zone euro ? Qui
sait ? À chaque fois, la multiplication par les imprimeurs et les
émissions reprend
Trois pays de la Communauté ont
eu la liberté de refuser la monnaie unique : Suède, Angleterre,
Danemark. Les politiciens au pouvoir dans ces pays essayent de faire rentrer
en force leur pays dans l'euro, éventuellement au mépris
de la volonté populaire, et finiront probablement par réussir
: comme en Irlande, ils feront revoter jusqu'au " bon résultat
".
L'entrée de ces pays serait d'une grande importance pour la collection
d'€billets car chacun dispose d'un imprimeur déjà accepté
par la BCE et que le jeu des appels d'offre pourrait faire que la Banque
d'Angleterre, la Banque nationale du Danemark ou AB Tumba Bruk de Suède
impriment des billets pour d'autres pays de la Communauté en plus
des siens propres : autant de numéros de catalogue en plus.
Le problème des raretés et des états de conservation
se pose déjà et je pense qu'il n'est déjà
plus possible de réaliser ne serait-ce qu'une série de faciales
et de pays en neuf, sans parler chercher en neuf des séries d'émissions
ou d'imprimeurs, sans imaginer une seconde de reconstituer des planches
en neuf. En effet, à ma connaissance, personne n'a " stocké
" quoique ce soit pour la bonne raison que personne ne savait ce
qu'il fallait garder
ni où le trouver. Exemple : personne
ne pouvait savoir qu'en France, il fallait entre autres garder les 20€
au code commençant par E (Imprimerie Oberthur, deux émissions
en 2002) et non pas les code L (Banque de France, dix-huit émissions
en 2002) Contre exemple, celui qui aurait cherché les premiers
billets de 100€ imprimés par la Banque de France aurait pu
chercher longtemps : la BdF n'a pas imprimé de 100€. Si vous
vous attaquez à l'euro, prenez tout ce qui vous passe par les mains
dans la circulation, cherchez les neufs plus tard. Vous serez déjà
bien contents d'avoir le billet
Certes, il est peu probable que des collectionneurs se lancent dans la
reconstitution de planches de 500€
mais tout à fait
crédible de voir des feuilles de 5 et 10€ se reconstituer
: cela procède la même logique que la recherche des numéros
spéciaux, type radar ou suites.
En tout cas, quelques soient les opinions à l'égard de l'euro,
c'est une révolution dans la monde de la collection de billets.
Michel Prieur
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